Didier FASSIN


Fassin grande

Crédit photo : Collège de France/Patrick Imbert 

Didier FASSIN

 

Didier Fassin a reçu le titre de Docteur Honoris Causa de l'ULiège en 2021, sur proposition de la FaSS

 

Médecin, anthropologue et sociologue, Didier Fassin a réalisé une carrière scientifique remarquable. Après avoir longtemps enseigné à l’Université de Paris-Nord et à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, il a obtenu en 2009 une Chaire de professeur de sciences sociales à l’Institute for Advanced Studies de Princeton. Il a par ailleurs occupé, dans le cours de ces trente dernières années, des fonctions à responsabilité dans de nombreuses institutions scientifiques et sociales. On peut notamment mentionner, en dehors du monde académique, le mandat de Vice-Président de Médecins sans frontières qu’il a exercé entre 1999 et 2003. Enfin, Didier Fassin est l’auteur d’un nombre impressionnant de livres et articles, qui font de lui l’un des chercheurs les plus respectés en sciences sociales.

Fort de sa double formation en médecine et en anthropologie, Didier Fassin s’est d’abord spécialisé dans le domaine de l’anthropologie médicale. Les politiques de santé et les inégalités face à la maladie sont au cœur de ses recherches sur le Sénégal, l’Afrique du Sud, l’Equateur et, pour une part, la France. A partir des années 2000, fort de l’appui d’un Advanced grant du Conseil Européen de la recherche, il s’est lancé dans un nouveau programme de recherche sur la politique sécuritaire et sociale de l’Etat français, qui l’a conduit à réinscrire sa réflexion dans le domaine plus large de l’anthropologie politique et morale. Investir autant de terrains différents et parvenir, sur chacun d’entre eux, à s’imposer comme un auteur de référence est rare en sciences sociales. C’est la marque des plus grands chercheurs dans ces disciplines.

Pour comprendre ce succès, il faut ouvrir les livres que Didier Fassin a publiés dans le cours de ces trente dernières années. Malgré la diversité des terrains et des questions qu’ils abordent, ces livres se singularisent par une forte cohérence dans la problématique, l’approche théorique et la politique de recherche qui les sous-tend. Qu’il s’agisse de la lutte contre le sida, de la gestion des demandeurs d’asile, des contrôles policiers dans les banlieues parisiennes, ou encore de la prison, tous relèvent d’une même problématisation au sens de Michel Foucault, celle du gouvernement de catégories de personnes souvent vues comme « indésirables ». Pour analyser ces différentes politiques, D. Fassin prend à chaque fois appui sur de longues enquêtes ethnographiques, qui visent à saisir le point de vue des différents acteurs en présence à partir de leurs pratiques et discours au quotidien, et une approche critique, qui resitue ces pratiques et discours dans les rapports de pouvoir auxquels ils participent. Au croisement de l’anthropologie et de la sociologie, les travaux de D. Fassin ont en commun de porter une attention particulière au corps, aux affects, à la morale, aux inégalités face à la vie, et à l’histoire.

Enfin, et peut-être surtout, ces différentes ethnographies critiques présentent la particularité d’être en prise avec l’actualité du moment. La lutte contre le sida des années 1980-1990, les interventions humanitaires des années 1990-2000, le tout sécuritaire des années 2000-2010 : autant de « problèmes » qui cristallisent ce qui apparaît à chaque fois comme l’air d’une époque. Dans chacun de ses ouvrages, Didier Fassin discute des analyses qui sont proposées de ces problèmes par les politiques, les journalistes et les intellectuels dans les médias à partir d’une analyse des chiffres à disposition, du discours des acteurs et d’une description fine des interactions sur le terrain. Ce faisant, son ambition n’est ni dénoncer une situation, ni de formuler des recommandations, mais bien d’apporter un éclairage empirique, c’est-à-dire à la fois compréhensif, critique et historique. C’est pour lui la meilleure contribution que les sciences sociales peuvent apporter aux enjeux de notre monde contemporain.

 

Benjamin Rubbers

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